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La plainte de l’ancien testeur de jeux Mackenzie Clifton contre Nintendo et l’agence Ashton Carter débouche sur un accord financier

Épilogue d’une crise qui aura entrainé quelques débats houleux et écorné l’image de Nintendo of America concernant sa gestion des intérimaires. Mais la libération de la parole pointe de sévères dysfonctionnements nécessitant une prise de conscience.

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On revient un peu plus longuement sur cette affaire dont la conclusion a fait l'objet d'un billet il y a quelques minutes. Si effectivement l'accord a été favorable à cet ancien employé contractuel de Nintendo, c'est la libération de la parole autour de cette affaire assez médiatisée qui soulève de nombreuses interrogations autour des conditions de travail loin d'être roses pour les sous-traitants. Au pays du capitalisme, cette affaire et ses éventuelles répercussions feront-elle vraiment bouger les frontières entre employés et contractuels ?
Un accord a été conclu d’un montant de 25 910 dollars entre Nintendo, l’agence de recrutement Ashton Carter qui travaille avec Nintendo et l’ancien employé du service d’assurance qualité de Nintendo of America, Mackenzie Clifton. Ce dernier avait déposé une plainte auprès du National Labor Relations Board (NLRB) en avril dernier, après avoir été licenciée en février dernier. C’est Aston Carter qui assumera la responsabilité de cette affaire et paiera 25 910 $ en arriérés de salaire, dommages et intérêts à M. Clifton.

Rappelons les détails de cette affaire particulière, qui éclaire les relations inégalitaires entre employés permanents de Nintendo et les contractuels temporaires, en nous appuyant d’abord sur les déclarations de M Clifton, sa rare prise de parole après le dépôt de plainte, des propos accordés à Axios.

Clifton a obtenu son premier contrat chez Nintendo en 2018. Tout a très bien commencé puisque le tester a reçu une promotion et une augmentation financière précoce. Il avait été notamment remarqué pour son habileté à vaincre ses collègues sur le jeu Super Smash Bros pendant les pauses et il a tout naturellement été placé au sein de l’équipe chargée de tester Super Smash Bros. Ultimate qui arrivait sur Switch.

Clifton a travaillé sur ce portage Smash et ses nombreux ajouts de contenus supplémentaires pendant la majeure partie des deux années qui ont suivi. Les témoignages de ses collègues indiquent sans ambiguïté que Clifton était l’un des meilleurs testeurs de l'équipe, avec un œil aiguisé capable de repérer des bogues que d'autres auraient manqués. Des missions malheureusement au coup par coup selon la durée des contrats. Clifton espérait que les milliers d'heures de travail de ses collègues testeurs et de lui-même seraient au moins récompensées par le crédit de leurs noms au sein du générique de Smash Bros. Ultimate Grosse douche froide cependant lorsqu’il apprend en 2021 un refus en haut lieu. Incompréhension de sa part, dépression l’amenant même à des idées suicidaires.

"Si tout ce travail que j'avais fait pendant toutes ces années ne signifiait rien pour ces gens, qu'ils ne pouvaient même pas modifier un simple document texte, à quoi bon ?" se souviennent-ils avoir pensé.
Invoquant une urgence médicale, ils ont dit à leurs patrons qu'ils devaient cesser de venir au bureau. Après leur départ, le générique du jeu a finalement été mis à jour avec leurs noms. Et en janvier 2022, Clifton a commencé un nouveau contrat chez Nintendo avant d'être licencié en février.

Deux versions qui s'opposent pour justifier le licenciement

Clifton estime avoir été licencié après avoir posé une question sur la syndicalisation lors d'une réunion d'entreprise. La plainte allègue que les employeurs ont interféré avec les droits de Clifton, protégés par la loi fédérale, de discuter de la syndicalisation sans crainte de représailles. Cependant, Nintendo soutient que la décision a été prise parce que des "informations confidentielles" avaient été divulguées.

Du côté de M. Clifton, il est fait mention d’une réunion d'entreprise en ligne organisée pour des centaines de testeurs Nintendo en janvier. Au cours d'une partie questions-réponses avec le président de Nintendo of America, Doug Bowser, Clifton a demandé : " Que pense NoA de la tendance à la syndicalisation de l'assurance qualité dans l'industrie des jeux ces derniers temps ? ". Des propos déclaré à Axios et rapportés pour la première fois en aout dernier par le site de jeux vidéo Kotaku.

La question de Clifton n'a pas été abordée lors de la réunion. Mais plus tard dans la journée, dit Clifton, un superviseur d'Aston Carter les a appelés, disant que c'était une "question déprimante" et leur conseillant d'adresser ce genre de questions à l'entreprise contractante, et non à Nintendo. Clifton était "déconcerté et un peu en colère". Moins d'un mois plus tard, Clifton a été licencié.

Du côté de Nintendo, on a nié que la question syndicale avait quelque chose à voir avec le licenciement de Clifton, affirmant plutôt que le testeur avait été renvoyé pour avoir divulgué publiquement des "informations confidentielles". Entre ces deux versions, qui croire ?

La question syndicale a déjà fait des remous au sein de Nintendo of America car selon deux anciens contractuels ayant témoigné auprès d’Axios, un effort pour monter une branche syndiquée mi-2014 avait été bloqué après que la société Ashton Carter (elle ne portait pas ce nom en 2014) en ait eu connaissance. Une affaire que ni Nintendo of America en 2014 ni Ashton Carter n’ont voulu commenter.

Le tweet censé accuser Clifton de divulgation d’informations confidentielles reste vague. Clifton raconte à Axios qu'ils avaient pressé les superviseurs pour obtenir la preuve d'une violation et qu'on lui a montré avec son avocat un tweet posté par ses soins le 16 février, indiquant les points suivants : "Dans la version d'aujourd'hui, quelqu'un quelque part a dû supprimer toutes les autres textures du jeu car tout est maintenant rouge. C'est comme du rouge pur. C'est très bête". Clifton se défend en indiquant que le contenu reste vague et que l’on n’identifie pas clairement ce sur quoi Clifton travaillait. Nintendo et Aston Carter n'ont pas répondu aux demandes de commentaires sur le compte de Clifton. Le NLRB a refusé de commenter le statut de la plainte.

Après que la plainte de Clifton auprès de la NLRB a fait les gros titres, des dizaines de personnes se sont exprimées sur les médias sociaux et dans la presse, affirmant que Nintendo condamne des centaines de travailleurs, essentiels pour ses équipes de test de jeux, de service à la clientèle et même d'écriture de jeux, à des contrats temporaires précaires et stressants. Même certains employés de haut niveau affirment que les conversions en statut à temps plein sont rares. Il y a eu également des accusations de mauvaises conduites sur les lieux de travail, des accusations qui ont fait sortir du silence Nintendo. L’entreprise a déclaré en interne à ses employés qu'elle prenait toutes ces paroles au sérieux. Cependant ni Nintendo ni ses entreprises contractantes n'ont parlé publiquement de l'utilisation généralisée de contractants par la société.


Le dénouement

Quoi qu'il en soit, les deux parties sont parvenues à un règlement, et Clifton recevra donc de la part de l’agence de recrutement Ashton Carter de 25 190 $. L’accord de règlement bilatéral comporte également une action supplémentaire. Nintendo doit également afficher pendant 60 jours consécutifs un avis, par e-mail ainsi que sur place dans ses bureaux, afin d'informer les travailleurs du service d'assurance qualité de leurs droits en vertu du National Labor Relations Act, que l'on peut traduire en loi nationale sur les relations de travail.

Il souligne spécifiquement que les travailleurs ne seront pas empêchés de discuter d’un syndicat, d’exercer leur droit de soulever des problèmes ou de se plaindre, et qu’ils ne seront pas licenciés pour avoir soutenu un syndicat.

Un porte-parole de Nintendo a déclaré à JeuxServer que la société était « reconnaissante » qu’un accord ait été conclu.
« Nintendo est reconnaissant qu’une résolution ait été trouvée dans l’affaire NLRB afin que nous puissions continuer à nous concentrer sur la garantie que notre environnement de travail reste accueillant et favorable à tous nos employés et associés. Cette approche est fondamentale pour les valeurs de notre entreprise. Dans le cadre du règlement public, toutes les parties restent tenues de ne pas divulguer les informations commerciales confidentielles et les secrets commerciaux de Nintendo, qui sont primordiaux pour notre processus de développement et nos offres de produits ».

Le mot de la fin est donné à M. Clifton : "J'espère que le fait de partager cette histoire pourra amener de plus en plus de gens à réfléchir sur le fonctionnement de l'industrie des jeux et sur le fait que ces entreprises, que tout le monde a appris à connaître et à aimer en tant que fournisseurs de divertissements amusants, sont tellement plus que cela", déclare Clifton à Axios.

La décision de Clifton de déposer une plainte contre Nintendo et Aston Carter était "plus pour montrer au monde et à mes anciens collègues que quelque chose comme un syndicat serait non seulement bénéfique mais peut-être même nécessaire dans les années à venir".

Mon objectif initial en portant plainte était de montrer à mes collègues de NOA quels sont leurs droits et ce qui se passe lorsqu'ils choisissent de les exercer. En ce sens, les termes de cet accord sont exactement ce que j'espérais.
Il est noté qu’ au fur et à mesure de l'enquête et des discussions en vue d'un éventuel règlement, Clifton a émis une condition : Il voulait une lettre d'excuses, signée par le président de NoA, Bowser. Nintendo a répondu, selon M. Clifton, en proposant de parler aux RH, puis a offert une lettre de référence neutre. Le NLRB, qui traite toujours la plainte, leur a dit qu'une lettre n'était pas nécessaire dans le cadre d'un règlement.

Des questions demeurent tout de même au niveau du management de Nintendo of America

Si cette affaire semble désormais réglée, la libération de la parole a apporté de nombreux témoignages qui soulèvent de nombreuses questions sur les conditions de travail des contractuels longs (11 mois renouvelables après deux mois d'interruption). Un dérapage très clair constaté en 2015 au sein de Nintendo of America, après le décès d'Iwata et alors que Reggie Fils-Aimé était toujours en poste.

Si les grandes entreprises, en particulier dans l'informatique, font largement appel à des sous-traitants, on note que chez Nintendo of America, leur recours a été de plus en plus courant, y compris sur des postes clés qui aurait dû logiquement dû se voir convertir en embauche définitive. Mais depuis 2015, ces transformations de poste en CDI sont devenues extrêmement rares alors que c'était une motivation essentielle de nombreux contractuels, qui acceptaient jusqu'à présent des cadences de travail assez élevées et surtout une surveillance très importante.

On ne reviendra pas sur le fait que ces contractuels se sentent clairement comme des travailleurs de seconde zone face aux employés de Nintendo porteur d'un badge rouge. Mais des témoignages de refus de prise en charge hospitalière en cas de blessure (chute sur verglas en allant au travail), pression en cas d'arrêt maladie de plus de trois jours, refus de titularisation suite à une absence pour un décès familial, surveillance quasi-maladive de la présence du contractuel via Microsoft Teams, au point que certains employés réfléchissent à deux fois avant de se rendre aux toilettes, cela fait clairement une grosse tache noire dans l'image colorée et bon enfant de Nintendo. Notons que les contractuels semblent exclus de toutes les animations organisées par Nintendo of America pour ses employés et des primes de Noël. Une pilule qui a donc du mal à passer lorsque certains contractuels travaillent pour Nintendo depuis 5 et parfois même 10 ans. Espérons que cette affaire bouscule les méthodes de management et permettent d'instaurer un véritable climat de mieux-être sur les lieux de travail. Les règles du monde du travail sont un peu différentes dans chaque pays mais légiférer pour mieux encadrer les droits de chaque employé et les sous-traitants est un travail nécessaire qui n'a pas fini de faire sortir des placards diverses affaires.

Sources : Axios et Twitter
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