Vous avez dit 'disruptive' ?

Une nouvelle voie

Le discours de Nintendo depuis quelques mois est particulièrement axé sur la notion de Blue Ocean, de Disruptive Development : en d'autres termes, Nintendo persiste et signe dans sa différence, porté par le succès de sa DS.

Pourtant, une telle stratégie n'est pas sans risques : cela peut cartonner, à la iPod d'Apple, comme être un lamentable échec, à la Gizmondo. L'électronique grand public répond plus que tout à la dure loi des phénomènes de mode, avec la chance de se voir boudé du public.

Il y a de cela quelques semaines, Perrin Kaplan et Reggie Fils-Aime se sont faits les porte-paroles de la Blue Ocean Strategy, un concept marketing qui consiste à aller dans une direction différente, par opposition au concept de Red Ocean dans lequel tous les acteurs s'entretuent (d'où la couleur rouge !).

Lors de la GDC 2006, Satoru Iwata a lui aussi parlé de cette nouvelle approche effectuée par sa société, avec un discours concernant le développement de jeux différents. Lors de l'E3, Iwata est revenu sur l'objectif de Nintendo : augmenter le nombre de joueurs non pas en piquant les joueurs de la concurrence, mais en allant chercher de nouveaux joueurs parmi les gens qui ne jouent pas et ceux qui ne jouent plus.

Des produits uniques pour de nouveaux joueurs

Ces deux sons de cloche vont dans le même sens : faire en sorte qu'au bout du compte, le public trouve chez Nintendo des produits introuvables ailleurs. On parle ici tant des consoles que des jeux disponibles sur celles-ci : cela nécessite un effort tant au niveau du design des machines qu'au niveau du développement des jeux. Cela induit aussi une certaine corrélation entre les différentes équipes, pour que le hardware soit au service du software, et non l'inverse.

La complexité des projets liés aux développements de nouvelles consoles et de nouveaux jeux est telle que faire travailler ces deux types d'équipes ensemble est une immense difficulté. Mais c'est une étape absolument nécessaire pour permettre aux joueurs de trouver ensuite les jeux auxquels ils ne s'attendaient pas. Quoi qu'il en soit, une console est une console : un appareil qui répond à un cahier des charges précis.

Nintendo savait-il que son service de jeu en ligne allait franchir le cap du million de joueurs uniques en l'espace de quelques semaines lors de l'ajout du chip Wi-Fi dans la machine ? Nintendo savait-il que Nintendo deviendrait un extraordinaire best-seller vendu à plus de 6 millions d'exemplaires lorsqu'Hideki Konno et Shigeru Miyamoto ont commencé à parler à leur console comme on parle à nos chiens ?

Peut-être, mais on pourrait plutôt parler de coup de poker. Nintendo ne peut que se positionner sur un créneau différent pour respecter son engagement envers le public, un engagement qui ne nous ravit pas toujours mais qui pourtant semble aujourd'hui payer ses fruits : un jeu de simulation canine, un Mario Kart en ligne, des jeux qui stimulent le cerveau... Mais quelle mouche a donc piqué Nintendo ?

D'un point de vue plus élevé...

Reste que si on s'éloigne un tout petit peu, qu'on prend le pouls de l'industrie du jeu vidéo dans son ensemble, on se rend compte que finalement Nintendo n'est pas si différent des autres : on peut simplement voir que la firme sait prendre des risques, mais des risques calculés, et que surtout, Big N a appris à communiquer.

Comment expliquer autrement le fait que la plupart des sites Nintendo de la planète soient tombés lors d'un non-événement tel la Games Developers Conference de San José, si la stratégie actuelle de Nintendo n'intrigue pas le reste du monde ? C'est un fait établi : on s'intéresse toujours de préférence aux phénomènes qu'on ne comprend pas toujours, et les récents succès de l'éditeur en intriguent plus d'un.

En parlant avant tout de ses jeux différents, Nintendo se positionne sur un créneau différent : cela ne veut pourtant pas dire que les joueurs classiques boudent la console, bien au contraire ! En effet, la sortie de jeux comme Metroid Prime Hunters DS, Tetris DS, The NEW Super Mario Bros, sont autant de jeux à fort potentiel auprès des joueurs classiques.

On comprend alors mieux pourquoi Nintendo a tant communiqué sur ces jeux à part l'an dernier, et continue cette année : ces jeux lui ont permis de disposer de la base d'utilisateurs requise pour intéresser les studios classiques, qui ne prendront jamais le risque de sortir des jeux si la console ne dispose pas d'un minimum d'utilisateurs.