Oko
[quote="Count Dooku":21gn99ei][quote="Asleer":21gn99ei]
Pour comprendre ce que je pense, il faut en fait prendre comme première idée qu'un jeu n'est pas bon ou mauvais. Il n'a aucune qualité ou aucun défaut. Ce sont les joueurs qui déterminent la qualité d'un jeu.[/quote:21gn99ei]
Ce qui est faux, archi-faux. Ce relativisme poussé à l'extrême ne mène nulle part, il est nécessaire d'établir une échelle de valeur, et cela vaut pour toutes les œuvres (cinéma, littérature, arts plastiques, etc.).[/quote:21gn99ei]
Je pourrais quoter tout le message, mais cette partie est la plus intéressante je pense. Comme tu parles de la littérature, je me permets d'évoquer le cas de Stendhal – entre autres – qui s'est fait chier dessus durant toute sa vie sans être reconnu ou presque de son vivant. J'ai trouvé un passage assez énorme qui mériterait d'être vérifié, mais qui résume tout à fait la situation :
[quote:21gn99ei]En 1865, plus de vingt ans après, Le Grand Dictionnaire Universel du XIXème siècle a d'ailleurs cette formule réductrice : "… il n'a l'étoffe ni d'un grand écrivain, ni d'un grand penseur, ni d'un grand critique".[/quote:21gn99ei]
J'adore aussi le titre d'un livre qui est "Un bon écrivain est un écrivain mort". C'est tellement parlant. Je crois qu'aussi vrai que les lecteurs déterminent la qualité d'un livre, les joueurs déterminent la qualité d'un jeu.

Sans joueurs pour jouer ou de lecteurs pour lire, que reste-t-il de l'oeuvre ? Après, ce n'est pas pour autant qu'il faut partir dans des voie un peu torturées revenant à faire croire que les VENTES décident de la qualité de l'oeuvre, surtout pas. Combien de choses ai-je trouvées fabuleuses sans pour autant les posséder...
Count Dooku
Oui, on pourrait également citer Vincent Van Gogh pour la peinture, Mozart pour la musique (quoique c'est moins évident) et Max Ophüls pour le cinéma, autant d'artistes qui n'ont connu une juste reconnaissance qu'après leur mort. La plupart du temps, ça concernait des artistes en avance sur leur temps, qui n'étaient pas en phase avec les standards d'une certaine critique intellectualisante, ce qui leur a valu les foudres ou le dédain de celle-ci. Ça me rappelle les westerns de Leone, qui s'étaient fait démolir par les Cahiers du Cinéma à l'époque, alors qu'aujourd'hui ils portent ces films au pinacle, comme tout le monde.

Cela étant, tout cela ne remet pas fondamentalement en question ce que j'ai dit, je reste convaincu qu'il existe une certain nombre de critères objectifs déterminant la qualité d'une œuvre. Si la subjectivité primera toujours au final quant à l'appréciation définitive d'une œuvre par une personne, je pense que ces critères objectifs créent un terreau favorable à cette appréciation et permettent de distinguer une œuvre de qualité (voire un chef d'œuvre) d'une œuvre quelconque ou médiocre.
Tu dis que les joueurs déterminent la qualité d'un jeu, moi je pense que ce type de raisonnement est extrêmement dangereux et ne manquera pas de montrer ces limites. Car prendre pour référence des gens qui ne s'intéressent que très peu au jeu vidéo n'a pas de sens, quelle valeur aura leur jugement? C'est comme faire lire du Victor Hugo, du Zola ou du Yourcenar à des gens qui n'ont lu que Twilight ou Harry Potter, dans la majorité des cas il ne faudra pas s'attendre à ce que l'expérience ait été concluante. Non pas que ces gens sont trop idiots pour apprécier ces œuvres, mais ils n'ont pas parcouru le chemin nécessaire qui leur aurait permis de les appréhender comme il se doit. De la même façon, je suis persuadé que si on faisait essayer Okami à des joueurs de WiiSports ou de CoD, la plupart décrocheraient après quelque minutes et auraient une très mauvaise impression du jeu.

Encore une fois, la majorité des gens voient dans le jeu vidéo un produit de consommation, destiné à un divertissement direct et éphémère. Ils ne se préoccupent pas de considérations telles que la qualité ou la profondeur des titres auxquels ils jouent, l'essentiel étant que ces jeux remplissent leur office, c'est à dire les divertir.
Oko
Oui, mais le truc qui me gêne d'emblée dans ce raisonnement, c'est qu'on parle directement des gens habitués à WiiSports auxquels on ferait essayer Okami, et jamais de l'inverse :]

On peut toujours analyser une oeuvre d'art à partir de codes plus ou moins respectés, mais dans le cas de la littérature ou du jeu vidéo (qui n'en sont pas), ça me semble beaucoup plus complexe. À plus forte raison quand les codes sont chamboulés pour tirer le meilleur du domaine concerné.
Kayron
[quote="Akëdysséril":2s75lbpf]Oui, mais le truc qui me gêne d'emblée dans ce raisonnement, c'est qu'on parle directement des gens habitués à WiiSports auxquels on ferait essayer Okami, et jamais de l'inverse :]
[/quote:2s75lbpf]
Je pense qu'on a déjà eu pas mal d'avis concernant des joueurs habitués aux jeux plus traditionnels qui avaient essayé des titres comme WiiSports. Les avis ont tendance à se recouper un peu concernant ces softs casuals : c'est sympathique le temps d'une soirée entre amis pour se détendre, mais la lassitude s'impose assez rapidement une fois passée la découverte des divers mini-jeux, fin de l'histoire.
Oko
Ben non justement, pas "fin de l'histoire", je suis en train de dire qu'on réagi avec notre comportement de vieux joueur et que d'emblée le jugement est biaisé. Pour préciser ma pensée, tout ce qui n'est pas (re)connu des experts n'est pas forcément de la merde.
Kayron
[quote="Akëdysséril":3fvuvz1l]Ben non justement, pas "fin de l'histoire", je suis en train de dire qu'on réagi avec notre comportement de vieux joueur et que d'emblée le jugement est biaisé. Pour préciser ma pensée, tout ce qui n'est pas (re)connu des experts n'est pas forcément de la merde.[/quote:3fvuvz1l]
C'est pas faux. Mais dans le cas présent, sans être des experts, on voit bien que des jeux tels que WiiSports ont été conçu de telle manière qu'ils apportent un divertissement rapide d'accès, immédiat, mais éphémère.

Il en a été de même pour Wii Fit où 67% des gens l'ayant acheté ([i:3fvuvz1l]aux USA ou au Japon, je ne sais plus[/i:3fvuvz1l]), l'ont rangé au placard passé les premiers jours de "la découverte" du produit. Ca rejoint tout de même l'idée selon laquelle ces jeux là sont considérés (et surtout pensés et conçus) pour être de simple produits de consommation ([i:3fvuvz1l]comme l'expliquait Count Dooku un peu plus haut[/i:3fvuvz1l]).
Count Dooku
[quote="Akëdysséril":140kbjwr]
On peut toujours analyser une oeuvre d'art à partir de codes plus ou moins respectés, mais dans le cas de la littérature ou du jeu vidéo (qui n'en sont pas), ça me semble beaucoup plus complexe. À plus forte raison quand les codes sont chamboulés pour tirer le meilleur du domaine concerné.[/quote:140kbjwr]
On pourrait en débattre longtemps (mais ce n'est de toutes façons pas le sujet du topic), mais pour moi la littérature est un art (même si, officiellement, seule la poésie est considérée comme telle... mais ce serait folie que de ne pas considérer de grandes œuvres littéraires comme des œuvres d'art).
Concernant les jeux vidéo, étant donné que le média est encore jeune, et est trop soumis aux impératifs commerciaux, il est vrai qu'on peut difficilement parler d'art. Tout-au-plus distingue-t-on chez certaines œuvres des ambitions artistiques, qui témoignent d'un désir de faire évoluer ce média, de l'élever au rang d'art. Pour rappel, c'est exactement ce qu'il s'est passé avec le cinéma, qui était à l'origine un divertissement populaire confiné aux cirques et aux foires et qui se limitait à des productions burlesques. Il a fallu plus de 20 ans pour voir apparaitre des génies tels que Chaplin, Murnau ou Eisenstein, qui ont amorcé l'évolution du cinéma pour en faire un art (tout en conservant sa dimension populaire qui existe toujours aujourd'hui, avec les blockbusters et le cinéma d'exploitation).

Personnellement, je pense justement qu'il est plus facile d'évaluer un jeu vidéo selon des codes objectifs qu'un film, étant donné que le jeu reste soumis à une série d'impératifs incontournables (jouabilité, gameplay, éventuellement les graphismes même si ce critère est moins essentiel), là où le cinéma peut se permettre de contourner les codes (cf les films de Lynch, par exemple), et est de fait plus difficile à évaluer de manière "objective".
Et la différence entre un connaisseur et un consommateur de base, ce n'est pas tant que le premier a vu ses codes chamboulés en fonction de son exigence, mais surtout que le second n'adopte (ou ne connait) aucun de ces codes.
Eleglin
Même pour évaluer un film, il y a un certain nombre de critères objectivables :
- qualité du scénario (originalité ou au contraire respect du modèle / déroulement / rythme )
- qualité de l'interprétation
- qualité de la bande son (interprétation de la B.O. par exemple)
- q. de l'image (prises de vue, effets spéciaux).

Je suis d'accord avec ton raisonnement sinon, Dooku. :)
Oko
Ben justement... je prends des exemples en restant neutre :]

- Scénario : le scénario d'Avatar est d'un classicisme total, à tous les niveaux, et sombre à chaque instant dans le cliché. Le rythme d'In the mood for love est d'une lenteur honteuse pour certains téléspectateurs. Je crois que les deux films ont trouvé leur public pourtant :]

- interprétation : mêmes exemples, mêmes conclusions. Chez Cameron, tout est retouché, et les acteurs humains sont des billes (Michelle Rodriguez :lol:). Chez Wong Kar Wai, on ne sait pas si les acteurs sont dépressifs en règle général ou au contraire jouent fantastiquement bien.

- bande-son : idem. J'ai cru que ma copine allait finir par se prendre à entendre sans cesse le thème d'In the mood for Love :D

- image : idem. Certains aiment la 3D, d'autres non. Certains aiment les plans de Wong Kar Wai, d'autres trouvent ça chiant.

Les critères sont bien là, mais c'est quand même pas si évident que ça de noter les films en cochant ces cases :] D'ailleurs, question, pourquoi les films primés à Cannes sont souvent jugés comme de sombres bouses par beaucoup de gens ? Excès d'élitisme des jurés ou méconnaissance des autres ?

[quote:2rpq3auj]Personnellement, je pense justement qu'il est plus facile d'évaluer un jeu vidéo selon des codes objectifs qu'un film, étant donné que le jeu reste soumis à une série d'impératifs incontournables (jouabilité, gameplay, éventuellement les graphismes même si ce critère est moins essentiel), là où le cinéma peut se permettre de contourner les codes (cf les films de Lynch, par exemple), et est de fait plus difficile à évaluer de manière "objective". [/quote:2rpq3auj]
Moi je pense l'inverse, enfin non, je les mets au même niveau. Le jeu vidéo, à titre personnel, me surprend et me plaît quand il respecte les codes mais aussi (et surtout ?) lorsqu'il les contourne. Le paquet de jeux qui s'affranchissent des règles pré-établies ces dernières années d'ailleurs ! Sur les deux dernières générations, je sais pas combien de genres de jeux ont vu le jour d'ailleurs.

Et puis tiens, un jeu comme REZ, génie ou merde infâme ? Là encore tout le monde ne s'accorde pas.
Kayron
Avatar a surtout été mis en avant pour ses effets spéciaux et sa 3D, pas tant pour le scénario ultra classique avec ce happy end digne du début des années 90.

Dans le même genre, tu auras un film comme 2012, visuellement assez énorme, mais qui reste dans le bon gros cliché des films de catastrophes américains côté scénario ([i:1tcqfity]le mec riche et méchant qui pense qu'à lui, l'ex mari toujours amoureux de sa femme et qui la sauve 20 fois etc etc).[/i:1tcqfity]

Donc non, tout n'est pas une question de goût comme tu sembles le supposer, il y a clairement des critères que l'on peut objectiver, tant au cinéma que dans le jeu vidéo. Sans ça, la critique de films ou de jeux vidéos (les tests) n'auraient pas lieu d'être.