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Reggie Fils-Aimé : le jeune noir du Bronx qui a fini par devenir le Regginator auprès de millions de fans

Avec sa célèbre punchline « My Body is ready » Reggie a marqué les esprits et fait sa place dans le cœur des fans de Nintendo. Mais avant d’arriver à cette célébrité, l’ancien patron de Nintendo of America revient sur son long parcours exposé au sein de son livre « Disrupting the Game » pour encourager la nouvelle génération à se dépasser.

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Après un démarrage dans les mémoires et le sens des formules chocs qui marquent les esprits, Reggie Fils-Aimé est resté pendant 16 ans l’un des visages emblématiques de l’entreprise Nintendo. Sa prise de retraite en 2019 avait surpris à l’époque mais on peut dire que l’ancien CEO de Nintendo of America a passé la main au moment où l’entreprise avait repris des couleurs avec la console Switch, lui qui était arrivé au moment où le GameCube était en difficulté face à la domination du marché par Sony et Microsoft. Le temps d’une interview auprès de la journaliste Chelsea Stark du site Polygon, il revient sur son parcours, comment il s’est forgé peu à peu, un parcours détaillé au sein de non nouveau livre, Disrupting the Game : From The Bronx to the Top of Nintendo, disponible depuis le 3 mai 2022.
Ce livre n’est pas un condensé d’anecdotes savoureuses sur les coulisses de Nintendo, il y en a quelques-unes certes, mais ce n’est clairement pas l’essence du livre, certains resteront donc probablement sur leur faim. C’est le récit détaillé d’un jeune garçon né dans le Bronx et élevé à Long Island, fils d’immigrants haïtiens, qui a connu son lot de galères à cause de la couleur de sa peau ou de ses origines, mais qui à force de volonté, est passé dans différentes entreprises, chacun lui apportant une expérience qui va le façonner. Il évoque ainsi ses passages chez Procter & Gamble, Pizza Hut, Panda Express, VH1 et d'autres, ainsi que les moments les plus marquants de son passage chez Nintendo. Cette somme d’expériences, il espère la partager au sein de son livre en prodiguant des conseils dans le domaine des affaires ou du leadership. Il encourage ainsi d’autres jeunes à s’inspirer de son parcours, à ne pas avoir peur et de construire la vie professionnelle qu’ils souhaitent. Une sorte de « Yes, I can » à sa manière. Oui, je l’ai fait et chacun d’entre vous peut le faire.

La journaliste Chelsea Stark de Polygon a rencontré Reegie Fils-Aimé il y a quelques semaines pour parler de son livre, des points forts de sa carrière et des personnes qui, espère-t-il, liront Disrupting the Game. En voici la traduction :

Polygon : Il y a probablement beaucoup de gens qui espéraient découvrir des anecdotes sur les coulisses de Nintendo et qui pourraient être déçus par le contenu de ce livre. Il y en a bien quelques-unes, mais ce n'est pas un livre qui fait des révélations. Quel public espérez-vous voir venir lire votre livre ?

Reggie Fils-Aimé : En écrivant ce livre, je me suis rendu compte qu'il y avait un groupe de fans de Nintendo pour qui le livre parfait aurait été de raconter toutes ces histoires sur les produits Nintendo et sur la façon dont nous en sommes arrivés là, et de les faire participer à toutes ces discussions et à toutes ces activités. Mais pour moi, cela n'aurait pas été satisfaisant. Parce que j'essaie de partager des principes et des leçons que tout le monde - que vous soyez un fan ou non, que vous soyez un cadre ou non, où que vous en soyez dans votre propre parcours, mon espoir est que j'aurai - j'aurai partagé quelques leçons et quelques principes que vous pourrez appliquer à l'avenir. Et c'est pourquoi le livre est construit comme il l'est. C'est pourquoi, vous savez, ce concept de "So What" [une section à la fin de chaque chapitre où Fils-Aimé expose les principales leçons à tirer de ses expériences pour le lecteur] est né pour mettre en évidence ces leçons. D'un côté, j'espère que les fans de Nintendo ne seront pas déçus par le fait qu'il ne s'agit pas d'un livre-récit. Ce n'est pas ce que je voulais faire. Il s'agit plutôt de mon parcours personnel, avec des leçons et des idées que les gens pourront appliquer à leur propre situation.

Qu'espérez-vous le plus de ce livre ? Quelle serait l'interaction rêvée d'une personne qui le lirait ?

Pour moi, la situation rêvée serait de rencontrer quelqu'un dans cinq ans, qui aurait réussi dans tout ce qu'il fait, que ce soit dans les affaires, dans la vie, ou autre. J'adorerais, dans cinq ans, avoir la possibilité de rencontrer quelqu’un qui me dirait : "Hé, Reggie, j'ai pris votre livre. Et, vous savez, ces quelques conseils et idées m'ont vraiment aidé dans mon voyage personnel. Et je veux vous remercier." Je veux dire, avoir ce contact avec un individu, un certain nombre d'individus à l'avenir serait tellement gratifiant pour moi.

J'ai vraiment trouvé que de nombreux points de votre livre revenaient sur l'importance de la communication et sur la manière dont vous avez affiné ces compétences. Votre carrière a commencé chez Procter & Gamble, et vous parlez dans le livre de ces mémos que vous deviez rédiger, ce qui, pour moi, ressemblait à un type d'environnement de travail tellement différent de ce que nous connaissons aujourd'hui.

Il faut bien prendre conscience que l’on était à une époque, le début des années 80, où vous n’aviez pas votre ordinateur personnel. Pour concevoir ces mémos, je l’enregistrais dans un dictaphone, je dictais essentiellement un mémo qui allait ensuite dans les mains d’une personne administrative qui soutenait l’unité commerciale, une marque, le contenu était ensuite dactylographié puis m’était retourné. Une fois validé, une version papier était édité pour l’ensemble des personnes concernées. C'est ainsi que le mémo parfait de P&G a été créé.

Nous étions tous assis dans des petits bureaux fermés par deux ou trois cloisons. Donc j'avais, vous savez, deux, trois, quatre personnes assises autour de moi. Aucun sens de l'intimité. Ce type de bureau est un peu revenu en grâce ces dernières années avec la COVID, lorsque l’usage des bureaux à aire ouverte (les bullpen), sans aucune cloison, s’était quelque peu généralisé dans les entreprises. Mais c'était une époque très différente, un âge très différent. Et l'une des choses que je souligne dans mon livre est que chaque organisation a sa propre culture d’entreprise. La culture de P&G était vraiment basée sur le papier, sur ces mémos parfaits. Il a donc fallu apprendre à devenir un rédacteur commercial extrêmement efficace, ce qui m'a appris, du moins à moi qui sortais tout juste de l'université, à organiser mes idées et mes recommandations de manière réfléchie. Et vous savez, Chelsea, je peux voir à ce jour comment cette expérience m'aide aujourd'hui en termes de façon de penser et de fonctionnement de mon cerveau.

De là, je suis allé travailler chez Pizza Hut et PepsiCo et pour eux, leur culture était celle des présentations debout. C'est ainsi que nous faisions avancer les idées. Et, pour moi, ce qui était merveilleux, c'est qu’après avoir appris à être un excellent rédacteur commercial, j'ai appris à être un très bon communicateur verbal. Et puis, chez Nintendo, j'ai non seulement combiné ces deux compétences en communication, mais j'en ai acquis une troisième, la communication non verbale. Et c'est parce que les affaires se faisaient par traduction séquentielle. M. [Satoru] Iwata disait quelque chose qui était traduit du japonais à l'anglais. Et ce à chaque fois que nous étions en groupe. Si nous n'étions que tous les deux, nous parlions en anglais, mais dans le cas d'une session en grand groupe, tout était dit en japonais, puis du japonais à l'anglais. Je répondais en anglais, et mon anglais était retraduit en japonais. Ce que j'ai appris à faire, c'est de regarder l'orateur japonais et d'essayer d'obtenir autant d'informations que possible. Est-ce qu'il sourit ? Est-ce qu'il fronce les sourcils ? Est-il excité ou moins excité ? Vous savez, qu'est-ce qui se passe ? Parce que la traduction japonais-anglais n'aurait aucune de ces émotions. Il n'y aurait que des mots. L'apprentissage de la communication non verbale est donc la compétence clé que j'ai retirée de Nintendo.

Vous avez anticipé la question que j'allais poser, à savoir comment vous avez appris à contourner la barrière de la langue. Mais cela signifie également que vous avez dû adapter vos propres compétences en matière de communication non verbale, n'est-ce pas ?

Absolument. Au début de mon séjour chez Nintendo, j'ai posé la question suivante : " Devrais-je apprendre le japonais ? ". Et on m'a répondu : " Écoute, Reggie, nous avons besoin que tu te concentres sur d'autres choses. L'entreprise est en mauvaise posture. Vous apportez des connaissances commerciales en matière de ventes, de marketing et de publicité, qui sont essentielles pour nous. C'est là que nous avons besoin que vous vous concentriez. Et nous trouverons une autre façon de communiquer."

Et donc, vous savez, un certain nombre de cadres clés parlent et comprennent l'anglais, certains extraordinairement bien. Mais je n'ai pas appris le japonais. Et donc, toutes les réunions de grands groupes se faisaient dans cette traduction séquentielle. Et cela m'a obligé à être très réfléchi dans ma communication verbale. Et, vous savez, quand on y pense, nous avons tellement d'expressions idiomatiques, et tellement de mots d'argot [que] nous, que j'ai appris, j'ai donc dû supprimer tout cela, je devais être aussi clair et concis que possible, je devais être très persuasif dans mon langage afin de faire avancer les choses. C'est donc une chose dont je devais être conscient dans toutes ces communications. Et je l'ai fait, quelle que soit la situation dans laquelle se trouvait la traduction simultanée ou séquentielle. Si j'étais en réunion avec M. Iwata ou M. [Shigeru] Miyamoto, qui comprenaient et parlaient un peu l'anglais, je devais être tout aussi clair et utiliser des mots qu'ils comprendraient.

Est-ce que le fait de vous présenter pour que votre anglais soit compris a changé votre façon de parler en général, et de penser en général ? Ou bien vous êtes-vous retrouvé à changer en fonction de la situation ?

Je dirais que j'ai toujours été clair, direct, certains diraient trop direct. Mais j'ai toujours été clair. Et j'ai toujours formulé ma communication en termes de "Quel est notre objectif ? Qu'est-ce que nous essayons de faire ? Comment allons-nous nous y prendre ? Comment établir un consensus autour d'une idée ? Si nous n'arrivons pas à un consensus, et si je dois être le décideur, je prendrai la décision. Et je partagerai comment je suis arrivé à la décision que nous prenons. Donc cette clarté, cette franchise, c'est toujours quelque chose qui était là.

Et en fait, j'en parle dans mon livre. M. Iwata m'a conseillé, parce que j'étais si clair, si direct - il a utilisé le mot " puissant " -, de m'assurer que j'entendais tous les points de vue. Parce que mon parti pris est d'arriver rapidement à une décision. Mon parti pris est d'être le premier à parler. Mon parti pris est de faire avancer les choses. Et son conseil a été le suivant : "Reggie, tu dois t'assurer que tu écoutes tous ceux qui t'entourent. Parce que tout le monde veut te faire plaisir, même les gens de NCL [Nintendo Co. Ltd, l'abréviation couramment utilisée pour désigner le siège social de Nintendo à Kyoto, au Japon], et tu dois t'assurer de bien réfléchir à ce que tu recommandes".

C'est un conseil réfléchi, et aussi gracieux. Il vous a vraiment mis sur la voie du succès.

Absolument. La relation est du type de celle que tout cadre veut avoir avec son patron, son mentor. Nous avons eu des conversations difficiles. Je veux dire, soyons clairs. Ce n'était pas toujours rose et ensoleillé. Mais il y avait un tel niveau de respect, une telle compréhension de l'origine de l'autre personne. Et encore une fois, comme je l'ai souligné dans le livre, nous n'étions pas toujours d'accord. Parfois, nous devions revenir en arrière et recoller les morceaux sur une décision particulière. Mais il m'a mis sur la voie du succès. Sans le soutien de M. Iwata, vous savez, je ne serai pas resté au sein de Nintendo pendant près de 16 ans.

Nous avons parlé de votre caractère décidé et agressif. Comment avez-vous toujours eu cette confiance en vous [pour prendre] des décisions rapidement ?

C'est quelque chose que j'ai acquis, si vous voulez, au cours des 20 années qui ont précédé mon arrivée chez Nintendo. Et puis, certainement pendant mon passage chez Nintendo, j'ai eu la chance d'être, dans mon histoire, dans des situations où je devais prendre le contrôle, faire des recommandations, vivre avec les conséquences de mes décisions, bonnes ou mauvaises. J'ai donc apporté toute cette histoire à Nintendo. L'autre élément que j'ai heureusement apporté à Nintendo, c'est la perspective d'un joueur. J'ai joué aux premiers, aux premiers jeux vidéo, pendant mes années de lycée. Dans ma vingtaine, je me suis éloigné des jeux vidéo ; je pense que c'était la vie, le fait d'avoir des enfants et de poursuivre une carrière. Puis je me suis remis aux jeux vidéo au tout début des années 1990. Et j'ai joué à beaucoup de jeux : des jeux SNES, des jeux PS2, des jeux Xbox et des jeux N64. J'ai donc apporté l'orientation d'un joueur et une connaissance des franchises lorsque j'ai rejoint l'entreprise, et cela a été incroyablement utile. Et je pense que cette combinaison d'expérience commerciale et de sens de l'industrie m'a donné confiance pour proposer des idées. Et j'ai eu la chance que ces idées fonctionnent, n'est-ce pas ? Je pense que si certaines de mes premières idées n'avaient pas fonctionné, nous n'aurions peut-être pas cette conversation aujourd'hui. Mais j'ai eu la chance de remporter les premières victoires et de créer un élan.

Il semble que cette connaissance et cette compréhension des franchises vous aient particulièrement aidé à obtenir l'adhésion de M. Miyamoto et à avoir ce niveau d'authenticité lorsque vous faisiez des recommandations, notamment lorsque vous avez suggéré que Wii Sports soit un titre intégré à la Wii.

La connaissance approfondie de nos franchises, la connaissance de notre histoire, le concept de logiciel intégré, le fait que j'essaie de vendre le concept d'intégration de Wii Sports pour pouvoir dire : "Écoutez, M. Iwata, M. Miyamoto, je sais que nous avons déjà fait cela auparavant. J'ai acheté ma console Super Nintendo avec le pack Super Mario World. Je sais donc que vous l'avez fait et que vous en comprenez les avantages. Et donc voici mon raisonnement. Et voici pourquoi je pense que cela a du sens."

Je voulais vous demander quelque chose que j'ai remarqué dans le livre. Vous parlez beaucoup de vos parents et de votre enfance dans le Bronx. Et puis j'ai remarqué que vous tissiez de petits fils sur le fait d'être un homme noir, mais c'est rarement un thème proéminent. Ce qui m'a vraiment frappé, c'est la toute petite anecdote que vous avez racontée sur votre premier E3 et sur le fait qu'en attendant le début de la conférence de presse de Nintendo, quelqu'un vous a pris pour un agent de sécurité. Mais il semble aussi que vous ayez cette capacité à laisser passer une situation pouvant paraître inconfortable où quelqu'un a peut-être fait des suppositions à votre sujet en raison de votre race. Je voulais vous entendre parler davantage de ça. Il est évident que le fait de grandir dans un milieu noir américain, avec des parents immigrés, va conduire à une expérience différente, et comment cela a-t-il influencé l'évolution de votre carrière ?

Comment cela a-t-il influencé l'évolution de ma carrière ? Alors, peut-être que si je me resitue dans le contexte de l’époque, en particulier lorsque ma famille a déménagé du Bronx à Long Island, oui il était clair pour moi que j'étais différent. Vous savez, il n'y avait pas beaucoup de visages noirs là où je suis allé à l'école primaire, au collège et au lycée. Pas beaucoup de visages noirs dans les cours que je suivais. Et donc d'un certain côté, vous apprenez à accepter que vous êtes différent.

Mais, vous savez, il y a eu de nombreuses situations où je ne pouvais pas laisser tomber. Je vais vous raconter une histoire spécifique qui n'est pas dans le livre. J'étais un jeune chef de marque chez P&G. Et le niveau de chef de marque est le premier niveau où vous gérez des personnes, et vous êtes le premier responsable des initiatives clés pour la marque particulière sur laquelle vous travaillez. L'une des marques sur lesquelles je travaillais était Sun Drop, un petit concurrent de Mountain Dew, présent dans les Carolines, le nord de la Floride, le Tennessee et cette partie du pays. Et dans ces territoires, son soda se vend aussi bien que Coka et Pepsi. C'est donc une entreprise dominante dans ces régions.

Je participe donc à ma première réunion avec les équipes de vente travaillant pour cette marque. Et comme le gros des ventes se trouvait dans certaines parties clés du Sud, les représentants commerciaux venaient de ces mêmes parties clés du Sud. Et pour l'un des directeurs des ventes, je suis sûr que c'était la première fois qu'il avait affaire à un homme noir en situation de responsabilité. Et il ne gérait pas ça très bien du tout. Et nous sommes à un cocktail. Et c'était un homme très imposant, 1,5 m, 1,6 m, plus de 150 kg. Et il a bu un peu trop de cocktails. Il s'approche de moi et me dit : "Reggie, je me fiche qu'ils t'aient nommé directeur de la marque. Je m'en fous. Je ne t'écoute pas. Je ne soutiens aucune des idées que tu proposes. Tu n'es pas le directeur de la marque pour moi."

J’avais 25, 26 ans, quelque chose comme ça. Et cela se passait devant 30, 40 personnes. Et j'ai pris la décision à ce moment-là de me tourner vers cette personne et de lui dire : "Vous ne croyez peut-être pas que je suis le directeur de la marque, mais je le suis. Et je suis responsable de cette entreprise. Alors, soit tu me soutiens et tu soutiens les initiatives que je propose, soit tu ne fais plus partie de l'entreprise, point final.

Maintenant, n'oubliez pas que je n'avais aucune autorité pour le virer ou le retirer de l'entreprise, parce qu'il est dans la fonction de vente, la mienne est en quelque sorte la fonction de marketing. Mais c'était une situation où je ne pouvais pas simplement me défiler. Je ne pouvais pas me défiler. Et j'ai dû faire cette remarque énergique.

Il s'en va. Le lendemain matin, il vient me voir et s'excuse, son patron vient me voir et s'excuse. Le temps que je rentre à Cincinnati, où se trouve notre siège social, les gens viennent me voir pour me dire que j'ai bien géré la situation, qu'ils sont fiers de moi, etc. Mais, vous savez, nous sommes tous confrontés à ce genre de situations. L'un des points que je soulève dans mon livre est que soit vous vous endurcissez, soit vous dépérissez. Et je crois fondamentalement que dans ce type de situations, il faut les affronter, les gérer, les gérer de la bonne manière, de manière positive. Mais il y a des situations où on ne peut pas s'en débarrasser comme ça.

Merci d'avoir partagé cette histoire avec moi. Je suis impressionnée par le fait que vous ayez pu réagir de cette manière à 25 ans, et avoir ce niveau de prévoyance et de force tout en restant très contrôlé et posé.

Très contrôlé. Oui, cela me choque encore aujourd'hui, [rires] je dois dire, étant donné que c'était très tôt dans mon mandat. Mais ce sont tous des éléments d'apprentissage que j'ai eu la chance d'avoir au cours de ce merveilleux voyage.

Je pense que votre relation avec le public, d'abord en tant que dirigeant puis en tant que directeur d'exploitation, ne ressemble à aucun autre dirigeant de jeu vidéo. Vous êtes devenu des mèmes, des phrases d'accroche, mais vous êtes aussi devenu très humain pour les fans. Comment cela a-t-il évolué ? Y a-t-il eu un choix conscient de se pencher sur cette question et d'en tirer profit ?

Le Reggie du bureau, le Reggie avec M. Iwata, M. Miyamoto, le Reggie à l'E3, le Reggie avec les fans, le Reggie avec les journalistes, c'est toujours le même Reggie. Il ne s'agit pas de versions ou de variantes de celui-ci. Lors de mon premier E3, la société était dans une situation difficile. La Xbox avait été lancée la même année que le GameCube. Aux États-Unis, la Xbox faisait un peu mieux que le GameCube. Vous savez, à l'époque, Microsoft n'avait pas encore vraiment d'activité forte en Europe, et n'existait pas en Asie. Mais sur le marché américain ? Nous étions à la troisième place. L'E3 précédant mon arrivée, Sony avait annoncé qu'il entrait dans le secteur des ordinateurs de poche avec la PlayStation Portable, et les actions de Nintendo ont subi une baisse de 10 %. Nous nous sommes donc retrouvés dans une situation difficile, avec des pressions sur notre activité de consoles de salon. Nous étions sur le point d'être mis sous pression dans notre secteur des consoles portables.

Et pourtant, j'avais vu de mes propres yeux le premier prototype de la Nintendo DS et le travail effectué sur ce qui allait devenir Legend of Zelda : Twilight Princess. J'étais convaincu par le leadership de M. Iwata et de M. Miyamoto que nous avions d'excellents plans en place pour faire progresser l'entreprise. C'est pourquoi, lors du premier E3, nous avons pris la décision consciente de faire preuve d'agressivité et de franchise, et de changer la formule de commercialisation, ce qui est né des produits. Soyons clairs, si nous n'avions pas eu les produits, ça n'aurait été que de la poudre aux yeux. Mais c'est aussi né de ma propre agressivité, de ma propre passion, de ma propre volonté de faire avancer l'entreprise. Et clairement, les fans l'ont vu. Nos employés l'ont vu. Et il y avait un niveau d'excitation alors que nous continuions à faire avancer l'entreprise.

Donc, c'est la même chose, c'est la même personne, c'est le même désir de gagner sur le marché. Beaucoup de mèmes, vous savez, ils étaient, ils étaient une heureuse tournure de phrase qui arrive. Quand vous faites des heures et des heures de répétitions, vous pratiquez différentes choses. Et, vous savez, "Mon corps est prêt" est une phrase que j'ai utilisée lors de la répétition avec M. Miyamoto pour la démo de Wii Fit en 2007. J'ai essayé un certain nombre de répliques à l'avance. Celle-là l'a fait rire pendant les répétitions, alors j'ai décidé de l'utiliser en direct. Mais, vous savez, beaucoup de mèmes n'étaient que des moments heureux dans le temps.

Maintenant que vous avez entamé ce nouveau chapitre, y a-t-il quelque chose qui vous manquera de votre passage chez Nintendo ?

Ce qui me manque le plus, c'est qu'aujourd'hui, je suis comme n'importe quel autre fan. Ce que je veux dire par là, c'est que toutes les initiatives et tous les produits qui étaient dans les tuyaux - pas tous, la grande majorité d'entre eux – sont désormais commercialisés depuis. Je suis donc comme tous les autres fans, attendant d'être surpris, attendant d'entendre la prochaine grande idée de Nintendo. Ce qui me manque, c'est d'être à l'intérieur et de pouvoir aider à façonner ces idées. Cela me manque beaucoup. Mais le revers de la médaille est que, vous savez, je suis comme le fan que j'étais il y a 20 ans. Et j'ai l'occasion de spéculer un peu sur l'industrie dans son ensemble. Je suis maintenant un investisseur dans cet espace, si vous voulez, avec le SPAC que j'ai mis en place, où nous cherchons à acquérir une entreprise privée dans le vaste espace du divertissement numérique, et ce faisant, l'aider à atteindre les marchés publics.
(NDRL : Le terme SPAC est l'abréviation de "special purpose acquisition company" (société d'acquisition à vocation spécifique). Il s'agit essentiellement d'une masse de liquidités cotée en bourse destinée à acheter une société privée. Les SPAC sont devenues la principale manœuvre par laquelle les entreprises s'introduisent en bourse. Certains considèrent ces véhicules comme un moyen intelligent d'investir dans des sociétés nouvellement cotées en bourse, tandis que d'autres disent que l'enthousiasme incontrôlé pour ces produits financiers ressemble au boom et à l'effondrement des dot-com il y a deux décennies. De nouveaux SPACs voient le jour chaque jour).
Aujourd'hui, j'ai donc l'occasion d'examiner toutes les choses qui se passent et de déterminer les opportunités ; c'est le bon côté des choses. Mais cela me manque d'être à l'intérieur d'une entreprise particulière, une entreprise qui a toujours été à l'origine de tant d'innovations dans ce domaine.
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