Plaçons-nous dans le contexte !
Il faut d'ores-et-déjà admettre que la guerre des consoles vient de connaître un changement particulièrement important : Sega, l'antedéluvien ennemi de Nintendo, met un pied dans la tombe, avec néanmoins un bon espoir de guérison, et disant adieu au hardware pour se lancer uniquement dans le jeu, le software.
Pour ainsi dire, Sega n'est plus l'anti Nintendo, c'est simplement un éditeur de jeux vidéo. Un éditeur "comme tant d'autres" ? Rien n'est moins sûr, car Sega bénéficie de deux avantages clés : un savoir-faire internationalement reconnu... et de nombreux jeux clé à son porte-feuille.
Pour autant, pour finir de brosser notre portrait d'avant le changement intervenu chez Sega, il faut aussi dire que la position de Nintendo, sur le marché essentiel du jeu vidéo qu'est le Japon, n'a jamais été fabuleuse. IGN n'hésite pas à parler de flop à ce sujet, d'ailleurs... Tout le monde a été surpris par l'envergure prise par le phénomène Sony, qui a mis sur le carreau les autres acteurs, dont les plus faibles, l'actualité l'a montré, ne se sont jamais relevés.
La machine Sony a tout changé.
La grande force de Sony a été de s'attaquer aux points faibles de Nintendo, en forgeant une nouvelle identité au marché du jeu vidéo : un mensuel économique de 1996 expliquait comment les enfants ont transformé une industrie embryonnaire en géant du loisir... Pour autant, on ne peut pas dire que Nintendo ait souffert, sauvé par un phénomène que San s'explique toujours mal : les Pokemon (une thérapie consisterait à l'obliger à regarder 12 heures d'épisodes d'affilée pour s'imprégner de l'esprit, que dis-je : de la culture, Pokemon ;-D). Là où Sony a changé quelque chose d'essentiel, c'est en montrant qu'une position n'est jamais acquise pour toujours. Soudain, c'est le futur de Nintendo qui se trouve complètement menacé par la perspective de voir des concurrents lui passer devant, comme ce sera le cas avec la Playstation par exemple.Bref, en dix ans, le secteur a complètement changé. Et il change encore. Le marché va encore se partager entre trois acteurs, mais la hiérarchie et les sociétés ne sont plus toujours les mêmes. Sony est passé de rien à la première place en un rien de temps, tandis que Microsoft arrive en remplacement de Sega comme 3e larron.
C'est la première fois depuis le début des années 1980 qu'une société américaine s'aventure sur un secteur ou des multinationales gigantesques ont failli y laisser leur peau (lisez à ce sujet notre Histoire de Nintendo, qui propose aussi des allusions aux autres géants du secteur au fil des pages).
Nintendo n'est pas en position de faiblesse : c'est d'ailleurs la seule firme qui soit bien ancrée dans le secteur, et qui y a sévi depuis plus de 15 ans. Sony, rappelons-le, n'a débuté qu'en 1994, tandis que Microsoft fera ses premiers pas en 2002. Alors comment tout cela va-t-il se terminer ? Essayons de répondre à cette question en nous intéressant aux trois acteurs suscités : Sony, Microsoft et (gardons le meilleur pour la fin ;-)) : Nintendo.
Sony : le géant de papier
Sony, c'est le bulldozer. "Poussez-vous. j'arrive, ou bien je vous écrase", aurait pu être sa devise. Ce sera en fait "n'ignorez pas le pouvoir de la Playstation", dans une campagne extrêmement dynamique qui rendra la console populaire auprès des 15-25 ans.C'est alors que vint la Playstation 2. L'attitude habituelle consistant à s'endormir sur ses lauriers en laissant les concurrents s'aventurer dans le next-gen en premier n'est plus. On assiste plutôt à un comportement extrêmement arrogant, qui regarde les développeurs de haut. Résultat : la console est très difficile à programmer. De nombreux projets de jeux sont reportés, voire annulés, et les ressources disponibles allouées à d'autres jeux pour d'autres consoles.
Ces fonctions supplémentaires ont un coût, et il est reconnu qu'en dépit d'un prix de vente de plus de 3000FF, la console est encore vendue... à perte. Simple stratégie pour imposer la console sur le marché et ainsi s'assurer de juteuses royalties au cours des années à venir sur la vente de jeux ? C'est probable, toujours est-il que les investisseurs n'ont pas vraiment apprécié la chose : depuis le lancement de la console au mois de mars 2000, l'action Sony a perdu 50% !
Les choses seraient sans aucun doute meilleures si les développeurs répondaient présent, mais c'est loin d'être le cas. Et lorsqu'un jeu parait, il est loin de ressembler à ce qu'une console à 3000 balles est sensée offrir... Sony se retrouve donc dans une position un peu inconfortable, ce qui est d'autant plus prévisible que le secteur du jeu vidéo n'a jamais aimé les leaders : on critiquait les royalties de Nintendo, on s'en prend désormais aux capacités de programmation sur la PS2... Les temps changent !
Bref, tout peut encore arriver, car pendant que Sony souriait jusqu'aux oreilles, Nintendo a beaucoup écouté et beaucoup appris, pendant qu'une certaine société américaine leader des systèmes d'exploitation pour PC, Microsoft, était de son côté en train de préparer son plan d'attaque...
Microsoft : et moi, et moi, et moi !
Microsoft a toutes les raisons du monde d'inquiéter le secteur du jeu vidéo en entier. Son quasi-monopole de fait sur le marché des systèmes d'exploitation, à part des procès, lui a rapporté des milliards de dollars de liquidités. Alors, comme le souligne IGN, Microsoft a deux possibilités : ou bien elle donne son argent aux oeuvres de charité, ou bien elle se lance sur le marché du jeu vidéo.
L'idéal pour Microsoft serait de lancer sa console avant la fin 2001, et à ce jour rien n'est fait. Non seulement la firme ne serait pas prête au niveau matériel pour fournir en volumes suffisants sa console pour le lancement, mais en plus un procès pointe à l'horizon concernant le nom XBox... Comme quoi... un procès peut en cacher un autre.
C'est dans son intérêt de sortir sa console en même temps que le dernier larron qu'est Nintendo, jamais pressé de faire connaître sa géération de console.
Sa force pourrait résider au niveau du logiciel, mine d'or des fabricants (Microsoft a d'ailleurs opté pour un système de royalties qui n'a rien à envier à ses concurrents, au grand dam des développeurs qui se soulageaient de voir arriver le géant de Redmond !). Car avec pour fournisseur du chip graphique un nom comme nVidia, Microsoft offre ainsi un système que les développeurs connaissent déjà. Et Microsoft subventionne les éditeurs, ne l'oublions pas !
Reste qu'avec une multitude de jeux moyens, on ne donne pas cher de la peau de Microsoft face à Sony et Nintendo, respectivement monopolisateurs de licenses comme Final Fantasy pour l'un, Mario, Zelda ou Pokemon pour le second. Microsoft pourrait bien coincer Sony à son propre jeu en utilisant les mêmes arguments que son concurrent dans la campagne marketing de lancement qui sera déterminante...
Nintendo : le réveil du tigre
C'est quand même du vétéran du secteur dont nous allons parler maintenant. Avec ses différentes consoles de salon que furent la Nes et la Snes, Nintendo a acquis une solide expérience qui ne lui fut d'aucune utilité lorsque vint la Playstation.
L'échec (somme toute relatif) de la Nintendo 64 est le fruit de lourdes erreurs qui ont éloigné les meilleurs éditeurs du monde, comme Square (les derniers propos d'Hiroshi Yamauchi montrent que la situation n'est pas près de changer !), et donc les joueurs.
Le moment est donc revenu de donner un coup de pouce au destin, en concevant une console parfaite en tous points : tous les éléments ont été équilibrés pour le mieux, de la puissance de la machine à l'utilisation qu'on en fait, avec pour objectif d'en faire une console financièrement génératrice de profit.
Nintendo a mis de côté des gadgets tels que la lecture de DVD, ou encore la connexion au réseau Internet. En s'alliant avec des géants comme IBM ou NEC, Nintendo est incontestablement en train de mettre au point un monstre de technologie... qui plus est rentable, ce qui change de ses deux concurrents qui perdront de l'argent sur leurs consoles. Nintendo a décidé d'ajouter le mot "quantité" à son vocabulaire, en développant des outils qui accélèrent les délais nécessaires à la création d'un jeu, tout en continuant à en contrôler la qualité.
Nintendo est, par ailleurs, la seule fime à uniquement parler de jeu vidéo, faisant de sa console une Console, avec un C majuscule, ce qui pourraient bien lui valoir le titre de coup de coeur des joueurs. De là à dire que la console aura le support sans faille des développeurs... Même si bon nombre a signé un contrat de license avec Nintendo, il faut néanmoins admettre que c'est à terme qu'on pourra dire si oui ou non la GameCube aura été soutenue par les éditeurs eux aussi.
Pourtant, on a toutes les raisons d'être confiant : la Playstation 2 n'a, contrairement à ce que pourront toujours dire les Sonymaniaques, pas eu le succès escompté en dépit de ventes soutenues au moment du lancement, et Microsoft s'aventure sur un marché qu'il ne connaît pas du tout : "il ne fait aucun doute dans le monde que M. Gates est un super entrepreneur, mais il y a beaucoup de choses qu'il ne connaît pas, tout simplement parce qu'il est un être humain, et le jeu vidéo est l'une d'elles", déclarera d'ailleurs Hiroshi Yamauchi.
Alors, maintenant, qui va gagner ? Sony réussira-t-elle à se remettre d'un lancement qui a prouvé que la fonction DVD avait eu plus de succès que la console de jeux ? La Nintendo GameCube pourra-t-elle s'assurer le soutien de éditeurs, sans faille, et reconquérir ainsi ces joueurs qui, depuis des années, se sont jetés dans les bras de Sega puis de Sony ? Enfin, comment Microsoft va-t-il se positionner sur un marché qui lui est complètement nouveau ?
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